Denise Lamoure
1928-2012
Denise Dailly-Lamoure, née le 28 janvier 1928 à Courmangoux et décédée le 4 septembre 2012 à Lyon, est une mycologue française spécialiste des Agaricales de zones alpines et boréales. Professeure à l’Université Claude Bernard Lyon 1, elle est une chercheuse de renommée internationale.
Biographie
Originaires de Courmangoux et Coligny, les parents de Denise Lamoure, directeurs d’école et instituteurs, quittent Verjon pour s’installer à Mézériat à la rentrée scolaire de 1927.
En mai 1939, élève brillante, Denise Lamoure passe le concours des bourses pour entrer en tant qu’interne au Lycée de jeune filles de Bourg-en-Bresse. Elle arrive deuxième et est dispensée de classe jusqu’aux vacances scolaires. Cela lui permet de consacrer plus de temps à ses leçons de piano à Bourg-en-Bresse où elle se rend seule chaque jeudis.

Chaque été de 1936 à 1939, elle passe 3 semaines dans le Jura avec sa mère.
Le 3 septembre 1939, la guerre est déclarée, le lycée où Denise Lamoure devait faire sa rentrée est réquisitionné et l’internat n’est plus possible. Elle entame donc ses études secondaires au Lycée Edgar Quinet, logée en ville. Excellente élève, elle collectionne les félicitations, prix d’excellence et affichages au tableau d’honneur.
Elle poursuit en parallèle ses leçons de piano, découvre l’écriture musicale à plusieurs voix, et sa professeure l’incite à envisager une carrière musicale. Bien qu’elle ait appris le programme d’entrée au Conservatoire, elle renonce définitivement à cette orientation pour se consacrer pleinement à des études scientifiques.
Après un été 1944 difficile pour Denise Lamoure (guérilla entre le maquis du Revermont et les Allemands, attaques des blindés, rafle, …), elle tombe malade et ne peut passer le bac comme prévu. Elle l’obtient un peu plus tard et part faire des études supérieures à Lyon.
Elle est reçue 7e sur 63 au certificat d’études supérieures préparatoires de sciences physiques, chimiques et naturelles (dit SPCN) et obtient en 1950 une licence en sciences naturelles (= Certificat de Chimie générale + 2 Certificats de Sciences Naturelles), avec en plus un certificat de Géologie et un sujet de Diplôme d’Etudes Supérieures (DES) : Recherche expérimentale en laboratoire et initiation à la bibliographie. Denise Lamoure a désormais tous les diplômes requis pour pouvoir se présenter à l’agrégation.
Après la soutenance de son DES, Robert Kühner lui propose d’entrer dans son laboratoire. En mai 1954, un poste d’assistant pour le laboratoire de botanique est créé ; Denise postule et est reçue.
Elle se marie à Monsieur Dailly.
Elle décède le 4 septembre 2012, des suites d’un choc post-opératoire après une pose de prothèse de genou. Ne souhaitant pas être enterrée, elle donne son corps à la science.
Carrière universitaire
Denise Lamoure entre à l’Université de Lyon en tant qu’assistante déléguée. Elle est titularisée en octobre 1954 et devient cheffe de travaux en 1956, puis maitre-assistante en 1958.
D’abord enseignante en travaux pratiques de biologie végétale générale, elle a, dès 1958, la responsabilité de sujets d’examens et de la création de nouveaux enseignements pratiques en microbiologie et botanique approfondie.
Après l’obtention de son doctorat en 1960, Denise Lamoure doit attendre 5 ans avant de devenir Maîtresse de conférences à Lyon, avec la création d’un poste. Son profil de mycologue ne convenait pas aux postes vacants de Caen, Grenoble et Tunis.
A partir de 1965, elle donne des cours magistraux en biologie cellulaire, biologie végétale (parasitisme et symbiose), microbiologie, pathologie végétale.
En 1970, elle devient Professeure titulaire sans chaire et en 1975 Professeure titulaire de chaire.
En plus de ses activités d’enseignement, Denise Lamoure s’est engagée dans la vie universitaire : elle a été responsable des crédits de la construction des nouveaux bâtiments du campus de la Doua, Directrice du Département de biologie végétale, et a siégé au Conseil d’Université, au Bureau du Conseil Scientifique et au Conseil de l’U.E.R. des Sciences de la Nature.
Elle participe également à de nombreux jurys de thèse, en France et à l’étranger, encadre stages et conférences dans différents pays, est sollicitée pour donner son avis de spécialiste dans des commissions d’évaluation et accueille dans son laboratoire des chercheurs venus du monde entier pour échanger avec elle sur des préoccupations communes.
Travaux & Recherche
De 1954 à 1960, Denise Lamoure mène des recherches sur les anomalies de la sexualité chez les Basidiomycètes ; ce sera le titre de sa thèse, soutenue le 20 mai 1960.
Ses recherches préliminaires, ainsi que celles ayant constitué le cœur de sa thèse d’État, lui ont permis de bénéficier d’une formation de base profondément marquée par l’école lyonnaise de Mycologie. Cette influence se retrouve tout au long de ses travaux postérieurs à sa thèse. Une part importante de ses recherches est dédiée à l’étude des mycéliums sous divers aspects : morphologique, caryologique et biologique, comportement « sexuel », sans oublier l’étude de l’évolution nucléaire dans la baside, un sujet souvent négligé par de nombreux auteurs… et ce quarante ans après les publications de Robert Kühner, qui avait largement exposé ses méthodes, ses techniques et attiré l’attention sur les anomalies de comportement fréquentes chez les Agaricales.
Les travaux personnels de Denise Lamoure ont été entièrement consacrés à des champignons de l’ordre des Agaricales.
En plus de sa recherche individuelle, Denise Lamoure souhaite assumer la direction de sujet de recherche d’équipe, tels que :
les comportements nucléaires à la formation des spores
les diverses productions des mycéliums en culture pure : productions d’antibiotiques, de substances toxiques et autres molécules
la spéciation et la systématique dans certains groupes de champignons supérieurs
les interactions des champignons avec les plantes et avec le milieu
Très active sur le terrain, Denise Lamoure choisit de limiter son domaine d’exploration à une unité phytogéographique, la zone alpine, sollicitée par Robert Kühner pour collaborer sur l’étude de la flore mycologique de cette zone de végétation. En effet, comme les charges d’examens de deuxième session interdisent aux agaricologues universitaires français toute activité de terrain à partir de la mi-septembre, le choix d’un terrain d’action où la poussée se manifeste de fin juillet à fin aout était idéal. De plus, depuis adolescente, Denise Lamoure était attirée par ces hautes régions où elle a beaucoup randonné.
Si la zone alpine a été son terrain d’étude privilégié, plus particulièrement le parc national de la Vanoise, elle n’a pas pour autant négligé d’étudier les espèces poussant à une altitude moins élevée.
Denise Lamoure fait ses premières excursions en Scandinavie, au début des années 60 et voyage à travers l’Europe et l’Amérique pour vérifier ses hypothèses de travail. Elle entreprend trois explorations en Laponie (1964, 1967, 1972) pour obtenir des points de comparaison avec l’arc alpin (partie occidentale et centrale).
Elle rencontre le professeur Moser, dont les méthodes de travail diffèrent de celles des mycologues français. Il devient un véritable ami avec qui elle fait plusieurs voyages en Suède, en Autriche, en Pologne à l’époque du rideau de fer.
Elle aime initier les mycologues débutants aux techniques de la microscopie et à la rédaction d’articles scientifiques. Elle organise régulièrement des stages, dont un en collaboration avec Alix David.
Elle contribue au bulletin de la Fédération mycologique et botanique Dauphiné-Savoie par ses articles, son activité et ses interventions au sein du comité de lecture. Elle contribue également au réseau de myco-toxicologie et est à l’origine du signalement des poussées de champignons toxiques sur le site fédéral, démarche qui permet de préparer et d’adapter les actions de prévention des intoxications.
Elle collabore avec l’INRA sur le sujet des champignons pathogènes et avec l’ONF pour ce qui concerne les champignons utiles (mycorhizes) à utiliser en reforestation.
En 1992, consécration de sa carrière de plus d’une trentaine d’années de recherches, Denise Lamoure organise le quatrième Symposium International de Mycologie arcto-alpine (ISAM) qui s’est déroulé du 24 aout au 4 septembre à Lanslebourg (Savoie).
Collection


Les spécimens de son herbier sont déposés à l’Herbier de l’Université Claude Bernard Lyon 1 (LY) ; certains sont des types nomenclaturaux.
Ils sont pour la plupart conservés à sec dans des enveloppes en papier et leur inventaire est disponible en ligne sur le GBIF.
Une collection de sporées accompagne les exsiccata, ainsi qu’un fonds documentaire (notes, tirés à part, …).
Publications
- Recherches cytologiques et expérimentales sur l’amphithallie et la parthénogenèse chez les Agaricales : évolution nucléaire dans la baside des formes bisporiques / Denise Lamoure ; sous la direction de R. Douin / Trévoux : impr. J. Pâtissier , 1960 Lamoure Denise, Fichet M.-L.
- Rhodopaxillus densifolius Favre, espèce nouvelle pour la France. In: Bulletin mensuel de la Société linnéenne de Lyon, 31ᵉ année, n°4, avril 1962. pp. 107-111.
- Atlas des Cortinaires, Pars I. — Iconographie de Pierre Moënne-Loccoz, texte scientifique de Patrick Reumaux, avec la collaboration du Docteur Robert Henry. 1990. Lamoure, Denise. In: Bulletin mensuel de la Société linnéenne de Lyon, 60ᵉ année, n°3, mars 1991. pp. 80-81.
- Les principaux Lactaires à lait rouge. Lamoure, Denise. In: Bulletin mensuel de la Société linnéenne de Lyon, 47ᵉ année, n°10, décembre 1978. pp. 18-19.
- A propos de Lactarius hepaticus Plowright apud Boudier. Lamoure, Denise. In: Bulletin mensuel de la Société linnéenne de Lyon, 56ᵉ année, n°1, janvier 1987. pp. 4-10.
Taxons décrits
- Clitocybe candicans var. dryadicola Lamoure 1966
- Clitocybe festivoides Lamoure 1972
- Clitocybe gracilipes Lamoure 1972
- Clitocybe harmajae Lamoure 1972
- Clitocybe hebelomoides Lamoure 1997
- Clitocybe kuehneri Lamoure 1997
- Clitocybe nuoljae Lamoure 1972
- Clitocybe serotina Lamoure 1972
- Clitocybe subsalmonea Lamoure 1972
- Cortinarius caesionigrellus Lamoure 1972
- Cortinarius chrysomallus Lamoure 1977
- Cortinarius diasemospermus Lamoure 1978
- Cortinarius galerinoides Lamoure 1977
- Cortinarius minutalis Lamoure 1977
- Cortinarius paleifer var. brachyspermus Lamoure 1987
- Cortinarius purpureoluteus Lamoure 1977
- Cortinarius stenospermus Lamoure 1987
- Cortinarius subtorvus Lamoure 1969
- Cortinarius violeovelatus Lamoure 1977
- Hypholoma ambiguum Lamoure 1983
- Omphaliaster Lamoure 1971
- Omphalina arctica Lamoure 1982
- Omphalina chionophila Lamoure 1974
- Omphalina kuehneri Lamoure 1974
- Omphalina pseudomuralis Lamoure 1974
- Omphalina rigidipes Lamoure 1982
- Omphalina rivulicola Lamoure 1974
- Omphalina sphaerospora Lamoure 1975
- Omphalina subsphaerospora Lamoure ex Bon 1997
- Omphalina trigonospora Lamoure 1975
- Psilocybe chionophila Lamoure 1977
Sources
- Nicolas Van Vooren, « Denise Dailly-Lamoure (1928 -2012) », Publications de la Société Linnéenne de Lyon, vol. 82, no 3, 2013, p. 95–96 (lire en ligne [archive], consulté le 26 mars 2025)
- Archives personnelles de Denise Lamoure, conservées dans le fonds documentaires de l’Herbier de l’Université Lyon 1
- Bidaud, André, « Hommage à Denise Lamoure », Bulletin mycologique et botanique, no 218, août 2015, p. 5-6
- Nicolas Van Vooren, « Une brève histoire de la mycologie lyonnaise à travers ses figures linnéennes les plus emblématiques », Publications de la Société Linnéenne de Lyon, vol. 1, no 1, 2009, p. 68–76 (DOI 10.3406/linly.2009.13700, lire en ligne [archive], consulté le 26 mars 2025)
- (en) G. Gulden et K. Høiland, « ISAM VII at Finse, Norway, 2005 », Sommerfeltia, vol. 31, no 1, 1er février 2008, p. 7–16 (ISSN 2084-0098, DOI 10.2478/v10208-011-0002-8, lire en ligne [archive], consulté le 26 mars 2025)
- Chloé Lefebvre, Apports historiques des mycologues à la connaissance de la taxinomie de la mycoflore, 2023
- « Mycobank [archive] », sur www.mycobank.org (consulté le 26 mars 2025)
